🌿 Un chemin de silence et d’amour où, à l’école de Sainte Thérèse d’Avila, l’âme se laisse transformer par le Christ jusqu’à l’union profonde avec Lui.
L’ORAISON THÉRÈSIENNE
La vie d’oraison comme chemin de conformation au Christ Jésus
Sainte Thérèse d’Avila, en tant que mère des spirituels, nous fait entrer de pleins pieds dans une école de sagesse par son message sur la vie d’oraison, une oraison chrétienne centrée sur l’Humanité de Jésus. Puis, nous glisserons dans le silence de notre âme, où le maître intérieur, le Christ lui-même nous enseigne l’amour et imprime en notre cœur l’image de sa propre beauté. Il nous invite à cheminer toujours auprès de lui, à l’écouter, à l’imiter pour se laisser transformer. Nous détaillerons le développement des vertus thérèsiennes que cela suscite en nous. Enfin, nous aborderons la finalité de notre croissance spirituelle : aimer mieux pour réaliser son commandement : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12). Le chemin de conformation au Christ nous amène à vivre lors de notre incarnation, ici et aujourd’hui, une union avec le cœur sacré de Jésus pour la gloire du Père et pour servir davantage nos frères.
1. Une oraison chrétienne
L’Eucharistie est la source de l’oraison thérèsienne. La vie d’oraison n’est que le prolongement de cet accueil du Christ glorifié au cœur de notre âme. « Alors que vous venez de recevoir Notre-Seigneur et que vous avez sa personne même présente en vous, fermez les yeux du corps, ouvrez ceux de l’âme, et regardez dans votre cœur »[1]. La vie d’oraison consiste à s’appliquer « à vivre toujours dans le silence et dans l’espérance »[2] en compagnie de Jésus, le cœur de notre foi. Ainsi, « Dieu est présent et vit dans l’homme pécheur »[3] et sainte Thérèse va déployer la symbolique du château intérieur et de ses différentes demeures pour nous expliquer comment poser notre attention : « au centre et au milieu de toutes les autres (demeures) se trouve la principale, celle où se passent les choses très secrètes entre Dieu et l’âme »[4]. Nous répondons avec toute notre liberté un grand oui à l’appel du Seigneur « demeurez en moi, et moi en vous » (Jn 15,4). Nous tournons le regard vers Jésus pour nous établir dans une oraison continuelle, pour le regarder et tourner les yeux de notre âme sur lui car lui-même a dit « je Suis le chemin et la vérité et la vie » (Jn 14,6). Ainsi, il va s’établir une proximité avec le Christ dans l’oraison. Nous allons lui parler, l’aimer, l’écouter. Mais « Notre-Seigneur était Dieu et homme tout ensemble »[5]. La grandeur de sa divinité est présente également lors de notre prière silencieuse car « il s’agit de rentrer en dedans de nous dans le royaume de Dieu par un simple regard amoureux posé sur l’humanité du Christ en considérant également sa divinité »[6]. Regarder Jésus, c’est commencé à lui ressembler. Sainte Thérèse nous conseille de « ne pas nous éloigner de ce qui fait tout notre trésor et tout notre remède, la très sainte Humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ »[7] et de méditer les mystères de sa glorieuse vie. L’objet de cette intériorisation silencieuse n’est donc pas un développement personnel ou l’atteinte d’un état sans pensée. Cette oraison est intrinsèquement chrétienne et l’Humanité de Jésus va transformer notre humanité. La grâce de l’Eucharistie est le premier exemple de conformation au Christ Jésus en notant bien qu’il nous donne lui-même ce pain de vie.
2. Le chemin de la conformation au Christ Jésus comme un chemin de transformation
Sur le chemin de la ressemblance avec « le Bien-aimé » (Mc 9,7) nous allons devoir « assumer des deuils pour passer de la vie charnelle à la vie théologale »[8].Le priant va s’appauvrir, lâcher ses attentes, se détacher du monde, de ses biens pour un abandon de plus en plus complet, mû par « cet extraordinaire désir de tous les mystiques de se déposséder d’eux-mêmes pour être à Lui et en Lui »[9].
Luttons contre les tentations de la gloire du monde comme Notre Seigneur l’a fait dans le désert. Au cœur de l’oraison, dans le silence, nous nous voyons tel que nous sommes, fragiles et pécheurs. De cette manière, petit à petit, nous apprenons à nous détacher de notre amour propre. C’est un chemin à refaire chaque matin, se décentrer de soi, vouloir ce qui plaît à Dieu : rendre sa volonté conforme à celle de Dieu. C’est en cela que consiste la plus haute perfection qu’on puisse atteindre dans le chemin spirituel que sainte Thérèse nomme l’union des volontés à l’image de Jésus à Gethsémani « que se fasse non ma volonté mais la tienne ! » (Lc 22,42). Accueillir ce qui est et emprunter le chemin de « l’humilité qui est le fondement de l’édifice »[10]. L’âme s’abandonne entre les mains de Dieu et « accepte que Dieu prenne l’initiative »[11]. Restons humbles dans l’oraison car les grâces de quiétude ou d’union n’ont rien à voir avec nos mérites. Sainte Thérèse nous dit de « ne pas rechercher les choses spirituelles (…) avant tout il faut aimer Dieu sans intérêt »[12]. « Ici-bas, le Seigneur ne nous demande que deux choses : que nous aimions Sa Majesté et notre prochain. Si nous les accomplissons parfaitement, nous faisons sa volonté et ainsi nous lui sommes unis »[13]. Toutes les vertus qui se développent en nous par l’oraison telles que le détachement, l’humilité, l’union des volontés, la pauvreté, l’amour mutuel ou encore l’obéissance tendent à nous faire embrasser la croix : « savez-vous bien ce que c’est qu’être vraiment spirituel ? C’est se faire l’esclave de Dieu, et, comme tel, porter son signe, qui est celui de la croix »[14]. Ce dépouillement de plus en plus radical mène à la mort du vieil homme pour se revêtir de l’homme nouveau[15], pour une renaissance avec Jésus comme demeure pour une vie nouvelle. Sainte Thérèse utilise l’image du ver à soie pour nous parler de cette transformation de l’âme : « quand il est dans cette oraison d’union, bien mort au monde, il se transforme en petit papillon blanc »[16]
3. La conformation au cœur de Jésus ; finalité de l’oraison Thérèsienne
La vie d’oraison n’est pas une technique à appliquer point par point mais elle est une relation amoureuse à entretenir. Il s’agit d’aimer beaucoup et de devenir un expert dans l’art d’aimer afin d’imiter Jésus-Christ : « Demeurez dans l’amour, le mien. Si vous gardez mes commandements vous demeurez dans mon amour comme moi-même j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour » (Jn 15,9-10). Nous aussi, nous réactivons notre prédisposition filiale à l’amour du Père au début de chaque temps d’oraison. En disant d’une façon lente et habité « NOTRE PÈRE, notre esprit en pénètre le sens, afin que notre cœur se fonde tout entier à la vue d’un pareil amour »[17]. Notre âme est faite pour épouser Jésus dans une alliance éternelle, c’est pourquoi nous pouvons crier : Seigneur viens ! « Telle est l’union que j’ai désiré toute ma vie, celle que je ne cesse de demander »[18]. Cette recherche de l’amour unitif se déploie dans les demeures du château en réponse à l’amour que Jésus a manifesté pour nous au cours de sa passion[19]. Elle agit comme une respiration avec un mouvement d’inspiration active dans les premières demeures où le priant utilise sa volonté pour aimer, il fait des efforts s’appuyant sur une grande détermination. Puis, il y a une rétention du souffle dans les 4èmes demeures qui est suspendue à notre capacité à franchir le dernier pas : tout quitter comme preuve définitive de notre amour fou. En retour « l’espace intérieur s’ouvre pour recevoir, après avoir lutté des années et des années à penser et à faire. Ce qui s’élargit, c’est la relation de l’âme avec Lui »[20]. Et, vient le temps de l’expiration passive, de se laisser aimer. Cette union d’amour se termine par le sublime mariage spirituel. « C’est ici que le petit papillon expire, mais avec une indicible joie, parce que Jésus-Christ est devenu sa vie. Celui qui s’unit au Seigneur n’est qu’un avec lui qu’un seul esprit »[21]. Alors l’amour de la Sainte Trinité se communique à l’âme et c’est la pleine configuration au Christ Jésus. L’amour rédempteur que Dieu nous porte va devenir fécond pour nos âmes. Le chrétien va œuvrer pour l’unité de l’Église, pour le service de ses frères et plus particulièrement pour les pauvres et les malades.
La vie d’oraison est une rencontre personnelle avec le Christ Jésus, une expérience vivante d’un cœur à cœur qui se termine dans un silence plein et dans une paix profonde, celle de Dieu. Nous devenons des êtres de miséricorde dans l’identification à Jésus et le pardon révèle en nous la victoire de l’amour !
- [1] THÉRÈSE D’AVILA, Œuvres complètes, Chemin de perfection 34,12, Paris, Éditions du Cerf, 2010, p.835.
- [2] THÉRÈSE D’AVILA, Œuvres complètes, III D2,13…, p.1009.
- [3] Thomas ÁLVAREZ, Entrez dans le château intérieur avec Thérèse d’Avila, Toulouse, Éditions du Carmel, 2004, p.42.
- [4] THÉRÈSE D’AVILA, Œuvres complètes, I D1,3 …, p.970.
- [5] THÉRÈSE D’AVILA, Œuvres complètes, VI D7,14 …, p.1109.
- [6] Luc-Marie PERRIER, cours Le chemin de perfection, CEC 2022.
- [7] THÉRÈSE D’AVILA, Œuvres complètes, VI D7,6 …, p.1104.
- [8] Armand LEVILLAIN, Le mystère de la rencontre, conférence Avon, 2022.
- [9] Thomas ÁLVAREZ, Entrez dans le château intérieur avec Thérèse d’Avila, Toulouse, 2004, p.47.
- [10] THÉRÈSE D’AVILA, Œuvres complètes, VII D4,8 …, p.1155.
- [11] ÁLVAREZ, Entrez dans le château intérieur…, p.57.
- [12] THÉRÈSE D’AVILA, Œuvres complètes, IV D2,9 …, p.1023.
- [13] THÉRÈSE D’AVILA, Œuvres complètes, V D3,7 …, p.1051.
- [14] THÉRÈSE D’AVILA, Œuvres complètes, VII D4,8 …, p.1155.
- [15] cf. Col 3,9.10.
- [16] Jeannine POITREY, Les Demeures de Sainte Thérèse d’Avila, V D2,7, Montsurs, Éditions Résiac, 1990, p75.
- [17] THÉRÈSE D’AVILA, Œuvres complètes, Chemin de perfection 27,5, …, p.800.
- [18] THÉRÈSE D’AVILA, Œuvres complètes, V D3,5, …, p. 1050.
- [19] Anthony-Joseph PINELLI, cours CEC, Introduction à Ste Thérèse d’Avila, 2022.
- [20] ÁLVAREZ, Entrez dans le château intérieur, …, p.72.
- [21] THÉRÈSE D’AVILA, Œuvres complètes, VII D2,5, …, p. 1142.